F. Chamorel: Ad partes infidelium

Titel
Ad partes infidelium. La croisade d’Amédée VI de Savoie (juin 1366-juillet 1367)


Autor(en)
Chamorel, Florian
Reihe
Cahiers lausannois d'histoire médiévale
Erschienen
Lausanne 2016: Université de Lausanne
Anzahl Seiten
285 S.
von
Nicolas Baptiste

L’ouvrage fait suite au mémoire de master d’histoire médiévale défendu par Florian Chamorel et dirigé par le professeur Bernard Andenmatten. L’auteur s’est consacré à étudier la fameuse croisade en Orient du «comte Vert», Amédée VI de Savoie, qui fut un grand succès militaire, contribuant à établir la légende du personnage dans ses États et à l’étranger. Comme le rappelle Chamorel, l’expédition – qu’on peut qualifier de croisade en raison du soutien symbolique du pape – avait pour but de soutenir l’empereur de Byzance, face à l’expan sion des Turcs ottomans qui s’étaient emparés de Gallipoli en 1354, aux portes de Constantinople. Cette entreprise, débouchant sur une victoire des croisés, avait donné lieu à des dépenses, consignées dans un compte tenu par le clerc Antoine Barbier, ayant déjà fait l’objet d’une publication en 1900 par Federigo Emmanuele Bollati di Saint-Pierre, sur laquelle l’auteur s’est principalement basé. La présente contribution tend à établir la composition de l’armée croisée et d’en analyser les effectifs, les types de combattants ou la rétribution du service armé par rapport aux armées princières du XIVe siècle. La question de l’origine géographique des combattants est par exemple une problématique qui fait l’objet de recherches actuelles, tout comme les charges de commandement et à qui elles sont confiées. Enfin, l’aspect le plus singulier de cette expédition étant sans doute le rassemblement d’une flotte de guerre dont l’organisation constitue pour le chercheur une occasion intéressante pour analyser les effectifs militaires et les dépenses.

Dans un premier temps, l’auteur présente le contexte de la croisade en évoquant ce qu’est l’esprit de croisade à la fin du Moyen Âge. Il dépeint ensuite la Savoie au temps du comte Vert et la menace ottomane sur l’Empire byzantin et reconstitue enfin le déroulement de l’expédition. Puisque l’étude se base sur le compte d’Antoine Barbier, le chapitre suivant présente la structure de ce document comptable et le profil de son rédacteur. Chamorel aborde ensuite l’étude du financement de la croisade – dont le soutien papal n’est que symbolique – en analysant les subventions réelles nécessitées par l’expédition, les emprunts contractés et l’exploitation des villes conquises; le chapitre s’achève sur un bilan financier de l’expédition. Consacrée à l’armée du comte Vert, la partie suivante présente les effectifs et les types de combattants sur la base des ressources comptables et des équipements de siège. L’étude s’attache ensuite à examiner les origines sociales et géographiques des participants en se focalisant d’abord sur la noblesse savoyarde, puis sur les seigneurs voisins et les alliés de la coalition. Le chapitre conclut sur l’étude des officiers et l’ordre du Collier fondé par le prince en 1364 et ses liens avec la croisade. Dans la continuité du quatrième chapitre, le chapitre suivant couronne le coeur de l’ouvrage en abordant la flotte de guerre du comte, son itinéraire, sa composition, les types de navires et les lieux où ils sont réalisés ou commandés, à savoir Venise, Gênes et aussi Marseille et Constantinople. La question des capacités de transport et des ordonnances militaires voulues par le prince pour sa flotte sont aussi étudiées par l’auteur. Chamorel évoque aussi les aléas de la croisade – les pertes humaines surtout, les tracas de diplomatie et les rançons. L’expédition du comte Vert sera confrontée aux épidémies et à la mort des participants pour qui des funérailles sont organisées. Elle doit aussi faire face aux paiements de rançons suite à l’enlèvement de combattants nobles. Le sixième chapitre revient sur les comptes de la croisade en analysant la logistique de l’expédition, à savoir les provisions générales et principalement le fourrage des chevaux. Il s’intéresse aussi aux vêtements et à l’héraldique. In fine, sur la base du témoignage du chroniqueur Cabaret, l’auteur s’interroge sur la question du mythe dynastique et la croisade.

L’ouvrage dispose d’annexes justificatives, parmi lesquelles de très intéressants tableaux ou des documents comptables qui détaillent les sujets (suivi de la flotte, activités des protagonistes, liste des effectifs, origine géographique, etc.). On y trouvera également des graphiques qui permettent de comprendre la répartition des dépenses. Les sources analysées nous livrent le contenu de plusieurs documents d’archives relatifs à l’expédition. Grâce à une série de cartes et d’illustrations, l’ouvrage offre des représentations de navires, dont on peut appréhender la structure et l’aspect; on trouve aussi des extraits de documents transposés en schémas, comme les principaux signaux de communication entre les navires, selon les ordonnances militaires d’Amédée VI.

En commentant le travail de Bollati di Saint-Pierre, Florian Chamorel signe là un intéressant ouvrage qui complète nos connaissances sur les croisades. Les anciennes études pionnières consacrées aux entreprises militaires médiévales s’attachaient à retranscrire et à analyser des documents conservés; elles présentent aujourd’hui un grand intérêt à être réévaluées, vérifiées et commentées en fonction des avancées significatives de la science historique. Chamorel offre une analyse enrichie de l’historiographie récente des princes de Savoie, qui permet de mieux définir la composition des effectifs, le contexte et les enjeux d’une telle expédition militaire. Les princes de Savoie sont davantage connus pour leurs entreprises terrestres.

Or, la particularité de cette campagne témoigne d’un protagoniste, célèbre pour son caractère guerrier, et pour être un prince armé tant sur terre que sur mer. Les Cahiers lausannois d’histoire médiévale se dotent encore une fois d’un ouvrage accessible au plus grand nombre et qui offre une contribution scientifique précieuse pour les historiens de la Savoie et de l’histoire de la guerre à la fin du Moyen Âge.

Zitierweise:
Nicolas Baptiste: Florian CHAMOREL: «Ad partes infidelium», La croisade d’Amédée VI de Savoie (juin 1366-juillet 1367), Lausanne: Université de Lausanne, 2016. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 125, 2017, p. 240-242.

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Beiträger
Zuerst veröffentlicht in

Revue historique vaudoise, tome 125, 2017, p. 240-242.

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